PÉRIGNAC : LÉGENDE D'ARKARA

Par une large fenêtre du dortoir d’un orphelinat, un enfant admire le magnifique firmament. Alors, tout un monde vit dans sa tête et se projette sur ce grand tableau étoilé de l’infini.

D’abord, il voit la constellation d’Orion, ensuite une planète lumineuse qu’il appellera Luminatis un jour car elle ressemble à une boule de cristal remplie de glaçons. À un moment donné, ces gros cristaux s’arrondissent et émergent de la sphère dans le but de semer la Vie sur des planètes avoisinantes.

La première planète visitée est désertique et les bulles lumineuses lui donnent le nom de Pyra. Alors, elles décident de donner vie à des grosses pierres rectangulaires qui se déplaceront ensuite lourdement sur le sol poussiéreux.

La deuxième planète rencontrée est de couleur verte et les jolies bulles lumineuses y créent une race de dragons.

Elles visitent ensuite une troisième planète dont le sable était rougi. Décidant d’y ajouter de la vie, elles y créèrent une race d’oiseaux bizarres et l’appelèrent Bizarra étant donné ses particularités.

Sur une quatrième planète abordant celle-ci une teinte jaunâtre, les bulles créent d’abord des œufs gigantesques qui donneront naissance à des Mutants. Ceux-ci ont des corps humains ayant des têtes de divers animaux. Malheureusement, les serpents parviennent souvent à s’introduire dans les frêles coquilles pour y dévorer les fœtus.

Un jour, l’un des œufs roule lentement vers un champ paisible lorsqu’une boule de feu descend du ciel et vient le couver pendant un moment. La coquille se fend bientôt en deux et on aperçoit un mutant à tête d’aigle royal bien assis au fond de l’œuf en tenant fièrement deux serpents qui voulaient le dévorer avant sa naissance. L’un de ses doigts de la main gauche est entouré d’un étrange anneau. Lorsque les bulles lumineuses viennent tourner autour de ce mutant, elles découvrent que celui-ci n’est pas de leur création à cause du jonc qu’il porte à son doigt car celui-ci est royal. Les Luminatisiens, car ce sont eux qui se promènent dans les bulles lumineuses, adoptent aussitôt ce jeune mutant et lui donnent tout de même le nom de Dorgon.

De par son signe désignant sa nature royale, Dorgon devint, par la suite, le souverain de cette planète. Cependant, certains mutants carnivores le jalousent et considèrent que les bulles lumineuses lui accordent trop d’importance. De plus, un jour, le fait de devenir l’enfant chéri des Luminatisiens provoquera la colère des mutants à tête de reptile car ils savent bien que les bulles l’ont choisi comme héritier de leurs nombreuses connaissances scientifiques et philosophiques. Alors, dès le début, il est clair que son destin sera significatif.

Entre-temps, les bulles lumineuses quittent les Mutants pour continuer d’aller créer d’autres vies sur une autre planète. Elles y font apparaître les Centaures qui abordent tous un corps de cheval ayant une tête d’œuf. C’est le peuple le plus fragile de l’univers puisqu’un simple petit accident suffirait à leur faire éclater la tête.

Pendant leur randonnée sur cette même planète, les bulles rencontrent dans une immense caverne, un monstre de la taille d’un dinosaure qui s’y est réfugié. Il vit dans le noir et dévore tous les Centaures imprudents qui osent venir l’épier dans son coin si obscur. Il faut ajouter que plusieurs s’y perdent dans les nombreux labyrinthes dont les parois sont recouvertes de sel grisâtre. Seuls les Luminatisiens y sont parvenu grâce à l’énergie dégagée par leur aura lumineuse pour s’éclairer à travers ces galeries qui les ont amenés vers ce mystérieux personnage. À leur arrivée, celui-ci pousse des cris horribles, fuit la lumière et cherche à protéger son visage en tournant le dos aux visiteurs.

Bien que vu sommairement, les bulles constatent que le monstre possède un corps de taureau et sa tête ressemble à celle d’un fœtus humain. Si, à ce moment, les Luminatisiens s’imaginent être responsables de la fuite de cette bête titanesque qui pourrait facilement réduire en miettes ces intrus qui l’ont dérangé, c’est qu’ils ignorent encore que seule la lumière peut blesser les yeux de l’un des plus puissants Maîtres de l’univers.

Les Luminatisiens n’ont pas cherché à connaître l’origine de celui qu’ils ont appelé Baa-Bouk. Ils croient pouvoir s’en débarrasser facilement en le téléportant sur une autre planète avant que celui-ci finisse par dévorer tous les habitants centauriens. Cependant, à ce moment, ils ignorent encore si la planète en question est habitée car celle-ci est entourée d’un épais nuage de suie noire. Alors, on lui donne simplement le nom de Chaos.

En l’absence des Luminatisiens, les mutants à tête de reptile ont fini par se révolter contre Dorgon lorsque celui-ci interdit le cannibalisme entre les Mutants. Ils décident alors de poursuivre le souverain dans les collines et celui-ci saute d’une haute falaise afin de leur échapper mais le fugitif s’écrase sur le sol et perd conscience. Aussitôt, ses nombreux poursuivants se rapprochent de lui en lui montrant leurs crocs aiguisés et l’un des reptiles fait signe aux autres d’entourer le prisonnier. Alors, il se penche et tente de lui retirer son anneau et comme il n’y parvient pas, il lui dévore la main et le bras pour signifier à ses compères qu’il vient de manger l’anneau du pouvoir. C’est le signal et les autres se rapprochent dans le but de venir prendre part au festin. Alors, Dorgon reprend connaissance et pousse un hurlement en voyant le reste de son bras qui bouge encore dans la gueule du reptile.

À ce moment, une boule de feu descend rapidement du ciel et éloigne un mutant qui s’apprête à dévorer l’autre bras du prisonnier. Mais voilà que les assaillants sont stupéfaits devant le prodige qui s’accomplit devant eux. À la place du bras perdu, une patte d’aigle apparaît avec des serres redoutables qui en font reculer plusieurs. Soulagé, le souverain n’hésite pas en s’en servir et coupe la tête du reptile qui l’a rendu manchot. Aussitôt, une centaine d’assaillants se jettent sur le survivant afin de venger la mort de leur chef mais Dorgon dirige sa patte vers eux et ceux-ci, figés par l’énergie qui s’en dégage, tombent mollement sur le sol. Le souverain pourrait en profiter pour terminer le massacre mais sans abuser de son pouvoir, juge toutefois utile de faire réaliser à ces mutants leur impuissance bien que plusieurs fuyaient déjà vers les collines. Ceux qui restèrent reculèrent lentement en voyant Dorgon dresser de nouveau sa patte en direction d’un rocher qui se pulvérisa sous leurs yeux. Alors, ils s’enfuirent sans attendre les retardataires. Dorgon réalisa qu’il venait d’être sauvé par cette boule de feu bien qu’il n’ait pas eu le temps de remarquer sa présence dans l’action. Elle s’évapora aussi soudainement qu’elle était apparue mais le souverain de la planète des Mutants comprit alors qu’il ne devrait plus jamais relever sa patte à moins de vouloir s’en servir comme arme.

La téléportation du monstre Baa-Bouk sur la planète Chaos fit regretter amèrement aux bulles lumineuses d’avoir manqué de jugement à ce point car elles ont relâché la bête noire dans un champ où des petits êtres dont la taille varie entre dix centimètres et un mètre ont été très surpris par son arrivée car en fait, Chaos était déjà peuplée par des habitants les plus pacifiques de l’univers.

Baa-Bouk n’a pas été amusé par l’aspect de ces petits bonshommes qui se promènent en portant des costumes en trèfles sauvages et des sabots de bois. Ils abordent aussi des visages plutôt amusants avec leurs nez en forme de flûte et certains ont des oreilles pointues de chat tandis que les autres les ont longues en formes de lapins. Leurs cheveux sont multicolores et leur confèrent un aspect plus drôle encore. Tous portent aussi des barbes épaisses et ont des sourcils énormes. Finalement, leurs grands yeux ronds et candides reflètent leur douceur naturelle.

Les petits bonshommes sont tous des horticulteurs. Ils cultivent des milliers de rosiers et fabriquent un élixir de rose. Le plus étrange c’est que les souverains de cette planète sont un couple de roses géantes. Ces roses sont-elles vraiment des fleurs ou des êtres métamorphosés dans cette forme particulière? Cela est un véritable secret gardé par ces petits bonshommes. Tous les jours, ils entassent des roses dans une sorte de marmite en verre munie d’un couvercle dont l’aspect général ressemble à plusieurs tubes recourbés. Ensuite, ils placent ce contenant devant un immense feu qui ne dégage aucune fumée mais une buée s’échappe de la marmite en chaleur. Ensuite, les nains recueillent précieusement cet élixir qu’ils appellent djinardin et celui-ci est conservé dans des boules de cire.

Selon la mémoire populaire, l’épais nuage noir qui entoure la planète trouve son origine dans un immense incendie qui décima tous les géants primordiaux vraiment belliqueux lorsqu’ils peuplèrent cette planète. Des boules de feu gigantesques tombèrent du ciel et allumèrent des incendies partout à la surface du globe. Les géants périrent tous sauf un nouveau-né de sexe mâle et un autre de sexe femelle. Ils furent cachés dans un terrier avant la disparition de cette race vraiment surprenante puisque ces géants mesuraient environ cent mètres de hauteur. Les boules de feu s’éteignirent avec le temps mais pas ce feu qui éclaire toujours leur planète à présent.

Comme les petits habitants qui se donnent le nom de Djinardiens à cause de l’élixir sont très pacifiques, ils décident d’accepter l’étranger et celui-ci pourra vivre sur leurs terres aussi longtemps qu’il respectera la nature. Le problème, c’est que Baa-Bouk est vite dérangé par la seule clarté de ce grand feu de joie. Il manifeste aussitôt sa reconnaissance par un geste qui dénote bien sa nature bestiale lorsqu’il piétine sans pitié les petits habitants, détruit tous les rosiers et déracine le souverain et sa compagne. Ensuite, il étouffe le grand feu avec du sable et laisse derrière lui la pire des désolations. Sur les milliers d’habitants, il ne restera plus que douze survivants qui trouvent refuge dans une forêt invisible pour le monstre noir. Il ne peut donc la trouver et la détruire à son tour car cette forêt est enchantée. À leur arrivée, les petits êtres y découvrent des fées, des animaux fantastiques et même un gros livre qui semble reposer sur un lutrin invisible. À côté, un jeune enfant est assis sur l’herbe tendre et caresse un lapin dont l’une des oreilles est noire et l’autre est d’un blanc immaculé. Dès qu’il voit les nains s’approcher timidement de lui, il les salue en disant : «Croucounains» ce qui veut dire dans son langage d’enfant puisqu’il ne parle pas encore très franc, «Coucou, nains.» Cependant, les petits bonshommes trouvent ce nom charmant et décident de l’adopter. À l’avenir, ils ne seront plus des Djinardiens mais des Croucounains!

Peu à peu, les Croucounains établissent leur village dans une jolie clairière de la forêt enchantée. Ils s’aperçoivent bientôt que le jeune enfant est capable de faire apparaître tout ce qu’il veut lorsqu’il le dessine dans son livre. S’il se sert de l’index de sa main droite, il trace des lettres inconnues sans avoir pour cela à se servir d’une encre et non seulement ce jeune prodige peut réaliser des merveilles, mais l’index de sa main gauche peut, par contre, écrire le destin de tous les êtres vivants de l’Univers car l’enfant Manuel est le Maître du destin. Les Croucounains ne peuvent dire si ce Maître est bon ou mauvais mais il est certain qu’il connaît l’avenir de tout puisqu’il est celui qui écrit tout ce qui doit arriver. À la longue, les petits bonshommes finissent par connaître fort bien la forêt enchantée mais trouvent bizarre de ne pas être autorisé à s’approcher d’un autre enfant qui lui, porte le nom de Perlin. Ce sont les fées qui l’ont appelé ainsi depuis qu’il fut trouvé un jour couché dans une perle géante venue du monde originel. Plus étrange encore, il semble que Perlin soit un proche parent de Manuel. Maintenant, l’enfant aime patauger dans un étang peu profond. Sa nourrice est la plus belle fée de la forêt. C’est Marianne, la fée des eaux pures. Elle sourit constamment en examinant le bambin jouer dans l’eau. Un jour, les Croucounains ont aperçu celle-ci tendre les bras devant l’enfant et l’instant d’après, un ourson ailé se mit à voler joyeusement autour du bambin. Manuel refuse de dire qui est ce Perlin. Personne ne doit le savoir puisqu’on ne doit jamais connaître la nature d’un Immortel car en réalité, Perlin existe depuis si longtemps qu’il a probablement vécu sur toutes les planètes de l’univers et dans toutes les dimensions. Son arme la plus terrible est sa simplicité et il est l’égal de Manuel. Les Croucounains ont l’occasion de comprendre que Perlin n’a nul besoin de dessiner les choses qu’il veut voir ou toucher car il va simplement les chercher là où elles se trouvent à travers l’histoire de la Création. Il voyage en esprit. Alors, il revient avec de véritables objets qui proviennent soit du futur ou d’un monde qui n’existe plus et ce, contrairement au rêveur. C’est le Maître du voyage intemporel. Bien qu’il soit arrivé sur cette planète dans une perle géante, sa véritable maison est le monde originel.

Les Croucounains s’aventurent parfois à l’extérieur de la forêt enchantée et constatent que la planète est devenue le royaume des dinosaures et ils sont l’œuvre de Baa-Bouk. Il y en a tellement qu’ils se battent constamment entre eux pour tenter de conserver leur territoire de chasse. Dorénavant, il est impossible de songer à revoir la végétation de cette planète même si l’épais nuage noir qui l’entoure va finalement disparaître avec le temps. Quant à Baa-Bouk, celui-ci vit uniquement dans la région la plus sombre de Chaos et laisse les dinosaures se dévorer entre eux pour survivre.

Le chef des Croucounains, Phardate est très brave et il se risque régulièrement sur le territoire des bêtes énormes à la recherche de ses frères Djinardiens. Il conserve toujours l’espérance de retrouver d’autres survivants du génocide. Sa petite taille lui permet de se faufiler facilement derrière des rochers ou même entre les pattes des dinosaures. Un jour, il découvre une fissure dans une montagne assez large pour lui donc, possible pour d’autres survivants. Comme il fait très noir dans cette grotte, le Croucounain se fie non pas à ses yeux, mais plutôt à son odorat et ses oreilles depuis l’époque où son monde était éclairé uniquement par un feu bien qu’il puisse voir également assez bien dans le noir. Phardate découvre ensuite des vastes galeries souterraines qui le conduisent au centre de la planète. Il est fasciné par ce qu’il voit au cœur de ce monde intérieur. Partout, il y a de la végétation, un lac et des fleurs multicolores. Il s’assoit sur le bord de l’eau et retire ses sabots afin de tremper ses pieds endoloris. Une étrange musique se fait entendre. Tout à coup, un petit singe juché sur une boule qu’il fait rouler habilement dit joyeusement en passant devant lui : « Bonjour à toi, qui que tu sois ! » Il poursuit sa route un moment et revient saluer l’étranger de nouveau. Phardate veut en savoir plus sur ce pitre qui semble marcher sur une planète miniature mais le singe refuse de s’arrêter. Alors, le Croucounain réussit à le saisir par le bras et l’oblige à s’arrêter. Le singe le supplie de ne pas l’empêcher de faire rouler sa bille magique car c’est ce qui permet à son monde de rouler. Ce personnage, Primus Tasal, se dit le protecteur des Terriens. Phardate ne connaît pas cette planète et doute évidemment des propos de ce petit farceur. Alors, le singe l’invite à s’introduire dans l’étroite fissure d’une petite colline située près de ce lac. Le nain se retrouve ensuite dans une sorte de cratère et là, Primus lui demande de s’étendre sur le dos et de fixer le sommet du trou. Alors, Phardate voit la planète Terre. Il réalise qu’en somme, ce cratère n’est que la porte d’entrée d’un couloir intemporel qui a justement permis à ce Primus Tasal de se retrouver au centre de la planète Chaos. Lorsqu’il prononce ce nom à son nouvel ami, l’autre lui répond que le véritable nom de Chaos est Djinard. Du moins, c’était celui-là qu’utilisaient les petits bonshommes avant de se faire massacrer par le monstre Baa-Bouk. Selon le singe, il existe aussi deux autres passages intemporels sur la planète mais avoue cependant ne pas les avoir encore trouvés. Phardate réalise donc que ce personnage voyage sur la planète Terre en miniature qui fait entendre toutes sortes de mélodies en roulant. Parfois, les sons sont joyeux et trop souvent, ceux-ci sont tristes ou nostalgiques. Le plus surprenant dans tout cela, c’est que Primus possède ce pouvoir de provoquer des séismes sur Terre lorsqu’il frappe sa petite planète par accident et s’il la caresse, il y a une période de paix sur la vraie Terre. Il dit qu’il doit faire rouler sa bille magique afin que tout roule bien sur Terre.

Une fois de retour dans la forêt enchantée, Phardate demande à l’enfant Manuel s’il peut empêcher les dinosaures de rôder autour de ce bois invisible car parfois, on entend distinctement leurs pas et même leur respiration. Le jeune Maître du destin croit qu’il est temps de mettre un terme au règne des dinosaures puisqu’ils retardent l’évolution. Il demande au Croucounain de placer ses mains sur la page droite de son grand livre. Une puissante énergie lui glace les mains et le reste du corps par la suite. Il sort ensuite de la forêt et se transforme bientôt en dragon de glace. Aussitôt, il est attaqué par une bande de dinosaures mais il lance une flamme gelée qui tue les monstres par le froid. Mais Phardate souhaita quand même se faire aider dans ce combat inégal puisque plusieurs autres centaines de monstres chargent aussitôt sur lui. L’enfant Manuel exauce aussitôt son vœu et fait apparaître près de lui trois dragons qui sont invincibles. Alors, un terrible combat s’engage contre les dinosaures qui se font cracher du feu au visage, fouetter le corps mortellement par les puissantes queues des dragons et se font déchirer la chair par les griffes de leurs ennemis. En dernier, il ne reste plus qu’une cinquantaine de bêtes préhistoriques sur cette planète. Phardate reprend sa forme originelle et retourne auprès de ses confrères Croucounains car son apparence de dragon de glace fond rapidement. Pour les trois autres dragons, ceux-ci sont là pour rester bien longtemps encore sur cette planète car ils sont bel et bien en chair et en os.

Dès qu’il s’en aperçoit, Baa-Bouk veut savoir qui a osé décimer la quasi-totalité des dinosaures. Il est assez intelligent pour réaliser qu’il n’est plus le seul à gouverner sur cette planète. Alors, il rassemble les derniers dinosaures et les envoient ensuite combattre les dragons. Il espère y surprendre ainsi le Maître de ces créatures ailées. Il se tient à distance lorsque les pauvres bêtes s’aventurent dans les marécages là où les dragons semblent tenir sur la terre ferme. En réalité, ceux-ci flottent à quelques centimètres du sol ce qui leur évite de s’enliser dans un sable mouvant. Malheureusement, les dinosaures le réalisent trop tard et Baa-Bouk les voient disparaître dans le sol les uns après les autres. Le dernier monstre préhistorique ne s’enlise pas totalement puisque sa tête demeure hors du sable mais est appelé à mourir de faim si personne ne vient le nourrir. Généreux, un dragon cherche à lui faire avaler des fleurs de nénuphars mais le dinosaure refuse de s’en nourrir.

Le monstre Baa-Bouk a un pressentiment qui le poursuit sans arrêt et sait qu’il va perdre son royaume. Alors, la bête n’est pas surprise de voir descendre lentement du ciel une boule de feu qui s’immobilise au-dessus d’un champ désert. En fait, la lumière qui se dégage de cette sphère est si intense qu’elle éclaire les deux tiers de la planète. Le monstre qui perd ses pouvoirs dans la lumière n’a d’autre choix que de fuir vers l’unique coin demeuré dans le noir en se promettant de détruire cette planète de nouveau et la replongera dans le chaos.

Ensuite, la boule de feu fait apparaître une pyramide en or qui se métamorphose aussitôt en joli cœur de cristal avant de venir se placer au sommet de la pyramide pour finalement se mettre à tourner lentement sur lui-même. Des jets lumineux sortent du Cœur fantastique et créent une jolie forêt tout autour de la pyramide. Puis, d’autres jets s’élèvent très haut vers le ciel et se transforment ensuite en cristaux de glace autour de la planète. Alors, ils se mettent à tourner à une vitesse vertigineuse en descendant lentement jusqu’au sol comme des dents gigantesques qui creuseraient un immense trou. Les morceaux de glace ressemblent à des icebergs et parcourent longuement ce trou jusqu’à ce qu’ils fondent entièrement en laissant une rivière qui fait le tour complet de la planète comme un anneau séparant les deux hémisphères.

Entre-temps, les Luminatisiens dans leurs bulles lumineuses sont attirés par l’étrange clarté qui se dégage soudain de la planète Chaos. Ils découvrent aussitôt, la jolie pyramide et le Cœur de cristal qui crée la forêt et la rivière, et réalise tous ces prodiges en présence des visiteurs ébahis. Il crée ensuite des arbres fruitiers, des fleurs de toutes sortes, des oiseaux et des animaux. Chaos ne ressemble plus à ce monde de la noirceur mais s’est transformé en un véritable paradis. Cette fois, les bulles lumineuses craignent Baa-Bouk qui cherchera sûrement à détruire l’œuvre de ce cœur merveilleux.

Ensuite, l’œuvre continue et il donne même naissance à une race de géants. Ceux-ci ressemblent à l’Homme de Neandertal et ont le regard si doux et pacifique que les Luminatisiens se plaisent à les appeler : Connients car ce nom signifie simplement : innocents. En effet, ces grands innocents mesurent deux mètres de hauteur et possèdent une force physique prodigieuse. Ils sont aussi d’excellents tisserands et se confectionnent un genre de drap qu’ils se fixent à leur taille comme une couche d’enfant. Les Connients aiment également construire des fours à pains. Ces primitifs sont vraiment amusants à voir avec leurs chapeaux de glaise. Au début, ils se contentaient d’emprunter de gros nids d’oiseaux vides. Plus tard, ils décident de confectionner eux-mêmes leurs chapeaux en se servant de la paille et de la glaise. Les Connients bâtissent une maison arrondie ayant l’apparence d’un igloo entouré de jolies fleurs des champs.

Plus tard, le Cœur fantastique créera une autre race beaucoup plus esthétique physiquement que les géants et aussi différents qu’eux que le jour et la nuit. Il fait d’abord apparaître des cocons transparents dans un champ fleuri. Puis, sa lumière créatrice fait fondre les enveloppes devant les géants témoins de la création d’une autre race. Ceux-ci sont surtout fascinés par la délicatesse des traits physiques des hommes, des femmes et des enfants qui sortent lentement de leur léthargie. Ils sont nus comme des vers et beaux comme des dieux.

Après avoir été témoins de ce prodige du Cœur fantastique, les Luminatisiens considèrent que le nom de cette planète ne peut plus être Chaos puisque c’est la beauté et la richesse de la Nature qui règne à présent sur celle-ci. Ils lui donnent donc le nouveau nom d’Arkara, ce qui veut dire dans leur langue : valeur de l’or. Les bulles lumineuses ont pour habitude de donner des noms à tout ce que crée le cœur magique car elles considèrent que celui-ci est trop jeune pour gérer son royaume. Elles constatent même que ce cœur fabuleux est candide et le trouvent donc très naïf. Alors, c’est la raison pour laquelle les Luminatisiens décident de l’assister jusqu’au jour où d’autres pourront prendre la relève. En attendant, les jolies bulles décident que le nom de la nouvelle race aussi belle qu’elle puisse être s’appellera simplement: Paysans.

À la longue, les Paysans deviennent agriculteurs et vignerons. Ils vivent dans le joli canton d’Atlantis, un nom emprunté à un lieu sur la planète des Luminatisiens; sans doute le fut-il. Dans le canton d’Atlantis se trouve le village du même nom qui ressemble à un pré fleuri en forme de croissant de lune. Les maisons ont l’aspect de différentes fleurs alors que les immeubles administratifs font penser à des arbres gigantesques. En se promenant dans ce village, un voyageur éprouve cette étrange sensation d’être une punaise ou une fourmi se promenant dans un potager. Derrière chaque maison se trouve un petit pont sous lequel coule une eau verte provenant de cette grande rivière qui fait le tour de la planète et cette eau est de cette couleur uniquement à cause des milliers d’émeraudes qu’on retrouve au fond du cours d’eau. Les petits ponts arqués conduisent aux jardins des différentes maisons où l’on y cultive uniquement des légumes et des fines herbes car juste derrière le village se trouve les vastes champs de blé et de maïs qui s’étendent à perte de vue. Plus loin, on y retrouve les vignobles et les arbres fruitiers qui fournissent au moins deux mille variétés de fruits.

Les Luminatisiens voient ce monde s’embellir constamment et tiennent absolument à le protéger contre le monstre Baa-Bouk. Lors d’une excursion, ils ont découvert des milliers de squelettes des petits êtres qui vivaient sur cette planète avant l’arrivée de la bête noire. Alors, les tristes bulles réalisent évidemment qu’elles sont responsables d’avoir tant manqué de jugement en téléportant un tel destructeur sur cette planète. Alors, des larmes cristallines tombent partout dans une vallée où fut massacré ce pauvre petit peuple car les bulles suintent de pleurs et non de sueurs et celles-ci sont dorénavant prêtes à se sacrifier pour éviter un nouveau génocide. Elles espèrent aussi que la force prodigieuse des géants sera suffisante pour obliger Baa-Bouk à sortir de sa vallée. Alors, elles pourront le téléporter vers une planète désertique d’une autre galaxie. Les Luminatisiens ne veulent pas s’aventurer dans la vallée noire par crainte de perdre trop d’énergie vitale en tentant d’y retrouver le monstre et ils ont vraiment besoin de toutes leurs forces pour téléporter une bête aussi grosse.

Baa-Bouk ne s’ennuie plus depuis qu’il a découvert l’une des failles intemporelles que recherche justement Primus Tasal. Elle se trouve dans la caverne où y loge la bête monstrueuse. C’est grâce à cette porte entre les deux planètes que Baa-Bouk peut se promener sur la Terre sans se faire remarquer. Bien qu’il demeure invisible, son odeur malsaine suffit tout de même à corrompre l’esprit de l’Humanité et c’est pour cela que Primus Tasal tente désespérément de connaître les trois passages sur Arkara car il veut justement les obstruer avant que d’autres malfaiteurs les utilisent dans le but de venir semer la discorde sur sa planète chérie. Malheureusement, le monstre a découvert cet autre passage avant lui et en profite pour inciter les Hommes à s’entre-tuer. Il ne voit pas pourquoi ceux-ci devraient vivre en paix si lui-même est prisonnier et n’est pas libre de gouverner le monde.

Les Connients obéissent aux Luminatisiens en s’imaginant trouver uniquement une grosse bête dans une vallée inconnue. Comme ils aiment les animaux, ils croient pouvoir accomplir leur mission assez facilement. Alors, deux cent géants pacifiques traversent courageusement une chaîne de montagnes volcanique qui laissent s’échapper des gros nuages bien qu’ils ne risquent pas d’entrer en éruption car il n’existe qu’un seul endroit où il est possible de franchir ces montagnes. Il s’agit d’un étroit corridor situé entre deux volcans et une fois ce passage franchi, les géants se retrouvent dans une vallée si noire et lugubre qu’ils préfèrent se tenir par la main pour avancer. Lorsque Baa-Bouk découvre la présence de ces visiteurs opportuns, il rougit de rage en réalisant que la tête des Connients possède un petit air de famille avec son propre visage. Alors, il ne peut supporter cette ressemblance et plonge sa tête dans le sable et la ressort aussitôt complètement transformée. Si son ancien visage ressemblait à celui d’un fœtus humain, sa nouvelle tête est vraiment monstrueuse car on dirait voir celle d’un taureau couronné de sept cornes pointues, et de sa gueule énorme sortent aussi sept crocs menaçants. Les yeux de la bête sont encore plus terrifiants que tout le reste car un tel regard haineux et rougi par le feu même de l’enfer suffit à geler le sang dans les veines de quiconque fixe ce monstre dans les yeux à moins d’avoir envie de perdre le contrôle de sa volonté. Ce monstre est un véritable envoûteur et est le mal incarné. Les pauvres Connients ignorent cela lorsqu’ils voient Baa-Bouk juché au sommet d’une petite colline. À peine arrivés, la bête rugit et saute sur eux sans aucune compassion mais les géants sont tellement doux et pacifiques qu’ils n’ont jamais appris à se défendre. Alors, ils se laissent piétiner, déchirer et massacrer comme des mouches.

Une fois encore, les Luminatisiens réalisent avec horreur à quel point Baa-Bouk est indestructible dans le noir. Alors, ils décident de s’aventurer dans cette vallée noire à la recherche des survivants. Ils en retrouvent quelques uns qui semblent absents et possédés uniquement par une vie animée comme des robots. Ils marchent comme des âmes errantes complètement soumises aux moindres demandes du monstre qui décide de s’en servir pour aller détruire le Cœur fantastique. Sans fin, les géants doivent lancer des pierres sur une cible en répétant inlassablement que le souverain lumineux est leur ennemi car ces Connients sont complètement envoûtés par leur nouveau Maître et lancent même des cailloux aux bulles lumineuses qui doivent s’éloigner rapidement afin d’éviter les projectiles. Alors, elles décident de retourner sur leur planète dans le but de préparer la fin du règne de Baa-Bouk.

Comme le monstre n’est puissant que dans le noir, il faut trouver un moyen de l’enfermer dans un enclos tellement brillant qu’il sera ensuite impossible pour la bête de nuire aux habitants d’Arkara. Les Luminatisiens placent leur confiance en Dorgon pour accomplir cette mission. Le mutant à tête d’aigle est le seul à pouvoir vaincre Baa-Bouk si on lui donne l’occasion de se mesurer à lui dans un endroit clair car même lui ne peut s’attendre à vaincre un tel monstre dans son élément actuel. Le problème est que la vallée noire est justement le paradis de Baa-Bouk qu’il faudrait éclairer assez longtemps pour permettre à Dorgon de combattre son ennemi. Ayant fait le calcul de l’énergie contenue dans leur planète, les savantes bulles prédisent qu’il faudrait que Dorgon sorte le monstre de cette vallée en moins de vingt et une minutes et sept secondes. Après cela, l’énergie vitale des Luminatisiens s’éteindra tel un corps sans vie car sans leur planète pour les nourrir de lumière, ces bulles risquent de se vider elles-mêmes de l’énergie nécessaire à leur survie.

Cette crainte de disparaître à tout jamais de la carte de la Création incite les Luminatisiens à léguer leurs connaissances à Dorgon et à tous ceux qui seront assez sages pour s’en servir avec respect. Donc, ils enferment une foule de secrets dans trois sphères géantes ayant toutes les apparences du cristal le plus pur et ces Maîtres qui peuvent créer presque tout ce qu’ils désirent par le simple pouvoir de la volonté font ensuite apparaître quatre vaisseaux spatiaux qui transporteront les boules précieuses sur Arkara. Ces navires ont l’apparence d’une demi-coquille d’œuf entourée de deux anneaux argentés et il n’y a aucun instrument de bord à l’intérieur de ceux-ci. Aussi, on peut voir deux chaises moulées dans un verre qui résiste aussi bien à des froids extrêmes qu’à des chaleurs intenses. Entre les chaises, se trouve un piédestal sur lequel repose un tube argenté nommé Mégator, qui contient en réalité, des milliers de cristaux intelligents capables de manœuvrer ces vaisseaux partout dans l’univers. Il n’y a vraiment que les Luminatisiens pour créer cette cristallisation de génies mathématiciens et ceux-ci possèdent tout le savoir nécessaire pour éviter aux pilotes d’apprendre les diverses manœuvres lorsqu’ils sont installés sur leurs chaises. Sous les vaisseaux tournent une grande spirale aux couleurs de l’arc-en-ciel.

Le temps presse et les bulles lumineuses ont besoin de trois volontaires pour accompagner Dorgon au cours de cette délicate mission. Le mutant à tête d’aigle choisit deux de ses plus fidèles amis. Il y a Polar, un rude mutant à tête d’ours et Bylis qui a une tête de chien. Le dernier pilote choisi est Myotis, un dangereux mutant à tête de bélier qui risque de prendre le contrôle de son peuple en son absence car il semble que ce Myotis dévore clandestinement des pauvres mutants avec la complicité de ses compères reptiles bien que Dorgon ne soit jamais encore parvenu à le prouver. Dorgon se méfie de lui et le trouve manipulateur, menteur, hypocrite et assassin et ne peut se permettre de le laisser là-bas sans surveillance. Le mieux est de l’avoir à l’œil en tout temps.

Ainsi, l’escadrille de l’espace est formée rapidement. Chaque mutant devra transporter l’une des boules précieuses. Par précaution, Dorgon possède un tube de mégator suffisant pour contrôler les trois autres vaisseaux advenant le cas où l’un des pilotes décide de dévier de sa route. C’est sans doute excitant de manœuvrer un tel vaisseau en donnant uniquement ses instructions au tube de mégator et surtout très facile de profiter d’une telle occasion pour fausser compagnie à Dorgon. Ainsi, Myotis sait parfaitement que son souverain en a fait son compagnon de mission uniquement pour mieux le surveiller.

Les vaisseaux transporteurs s’immobilisent au-dessus de l’immense cité luminatisienne entièrement construite en verre transparent. Les habitations font penser à des stalagmites géantes dans lesquelles circulerait de l’électricité. Une haute plate-forme arrondie se trouve au cœur de la cité et est soutenue par quatre piliers givrés. Il s’agit d’un miroir dont le centre s’ouvre lentement en créant des sillons qui s’élargissent pour permettre à la première boule précieuse d’en sortir et s’immobiliser ensuite entre les vaisseaux transporteurs et la jolie cité. La sphère émet des sons gracieux en s’allumant et s’éteignant à intervalles réguliers. Des milliers de bulles lumineuses sortent de partout pour venir se coller affectueusement sur ce trésor qui va quitter leur planète. Plusieurs autres se révoltent à l’idée de perdre ce bien précieux et ces rebelles refusent d’abandonner les trois boules géantes Il faut dire que l’idée d’utiliser l’énergie de Luminatis pour aider Dorgon à vaincre le monstre noir est loin de plaire à la majorité des Luminatisiens car ils risquent de mourir suite à une décision prise à la hâte par les dirigeants de leur planète. Alors, elles s’introduisent d’elles-mêmes dans les navires transporteurs en passant à travers les spirales situées sous les engins volants. Lorsque le mutant Myotis voit une boule s’introduire dans son navire et s’immobiliser entre la voûte et le plancher, sa curiosité est plus forte que sa prudence et il se lève de sa chaise et tente de la toucher. Alors, une puissante charge d’électricité lui traverse le corps et il est projeté contre le mur. Se relevant avec peine, l’intrépide retourne docilement s’installer dans son fauteuil jusqu’à la fin du voyage. Comme des milliers de bulles furieuses refusent de laisser partir les navires célestes, il faut une armée de poursuivants pour obliger les contestataires à s’éloigner des vaisseaux. Alors, ces rebelles sont dispersés même très loin de leur planète. Finalement, les quatre navires célestes peuvent enfin quitter Luminatis sans autre incident. Les vaisseaux voyagèrent en conservant la formation d’un losange, suivis par un cordon de plusieurs milliers de bulles lumineuses. On aurait dit un cerf-volant perdu dans un ciel recouvert de poussière d’étoiles.

L’arrivée des vaisseaux volants au-dessus du canton d’Atlantis attire évidemment l’attention des Arkariens. Les Connients et les Paysans savent aussi que les étrangers sont venus dans l’intention de vaincre ce gros monstre que personne n’a encore aperçu de sa vie. sauf quelques pauvres Croucounains et les quelques géants végétant encore dans la vallée noire et qui pourraient le décrire. Le vaisseau de Dorgon se pose en silence dans un champ. Il est immense avec ses trois cent trente-trois mètres de circonférence. Sous la spirale descend un escalier. Pour la première fois, le mutant se montre au peuple. L’étranger mesure exactement deux mètres de haut et est vêtu d’un costume argenté d’une seule pièce et d’un casque opaque aussi rond qu’une boule de cristal. Lorsque le pilote retire celui-ci, la foule est surprise de voir sa tête d’aigle. Pourtant, personne ne recule car il se rapproche dans le but de s’adresser au Grand Superviseur du canton appelé Adamas. Ce dernier accueille respectueusement l’imposant personnage dont les yeux perçants et limpides lui octroient un air de noblesse et dénotent un charisme extraordinaire. Dorgon lui demande des volontaires pour construire un enclos en pierres de cristal. Il explique aussi à Adamas qu’il faudra faire vite avant son retour. L’un des paysans, Adiech se propose pour tailler rapidement des pierres car il est reconnu pour être le meilleur tailleur de pierres du pays et Dorgon l’examine d’un air complaisant. Il peut donc maintenant songer à mettre les trois sphères luminatisiennes en sécurité avant d’aller combattre le monstre noir.

Le mutant remonte dans son vaisseau et cherche un endroit où faire déposer l’héritage de ses Maîtres lumineux. Il finit par se poser devant une chaîne de montagnes. Alors, il voit une boule de feu tailler la plus haute cime pour la transformer en pignon. Une fois son œuvre terminée, cette montagne ressemble à une église de style gothique dont le clocher se retrouverait nantie de trois boules magiques qui, soit dit en passant, se sont placées en équilibre l’une sur l’autre comme par enchantement. Dorgon peut à présent se rendre sur le champ de bataille.

Arrivées au-dessus de la vallée noire, des milliers de bulles lumineuses se rassemblent et se collent entre elles pour créer une lumière semblable à celle produite par le Cœur fantastique qui éclaire déjà les deux tiers de la planète. Baa-Bouk panique aussitôt en s’imaginant que sa vallée obscure vient d’être contrôlée par ce souverain. Il hurle de douleur comme si un feu lui dévorait les yeux et cherche à fuir vers sa caverne mais le gigantesque vaisseau de Dorgon lui coupe la route. Aussitôt, le mutant descend par l’échelle du navire et lance son casque de cosmonaute près de lui. Alors, le monstre charge sur lui en rugissant. Dorgon réagit et dresse sa patte devant lui pour l’obliger à s’arrêter mais l’énergie paralysante est toutefois insuffisante pour maîtriser cet adversaire de taille car Baa-Bouk tombe à la renverse et se relève aussitôt en rugissant de plus belle. La bête cherche alors à piétiner Dorgon sans pouvoir y parvenir car le mutant est beaucoup trop agile pour lui. Enragé, le monstre ouvre la gueule pour en finir au plus vite avec celui qui ose venir l’affronter dans sa vallée mais là encore, Dorgon lui prouve sa force prodigieuse en lui maintenant la gueule ouverte. Alors, la bête lui lance un violent coup de tête et parvient tout de même à projeter le mutant à plusieurs mètres plus loin. Le combat est engagé entre les deux adversaires incapables de se vaincre véritablement jusqu’au moment où la lumière commence à faiblir progressivement dans la vallée. Soulagé, le monstre réalise aussitôt que cette clarté n’était que temporaire et comme il veut obtenir une victoire facile, il attend simplement que sa vallée retourne dans la noirceur avant de dévorer Dorgon. Alors, il s’amuse à courir un moment autour de lui et s’élance ensuite dans la plaine sans que Dorgon puisse le rattraper à la course car la bête est trop rapide. C’est à ce moment que le Cœur fantastique décide de s’en mêler et oblige les autres vaisseaux de l’espace à seconder Dorgon même si l’ordre de leur chef était d’attendre son retour en planant au-dessus du canton d’Atlantis. En effet, un vent étrange pousse rapidement les navires vers la vallée du monstre et les pilotes s’aperçoivent aussitôt qu’ils doivent rapidement obliger Baa-Bouk à freiner sa course et à combattre Dorgon. Polar est le premier à charger sur la bête et lui frôle les cornes, suivi de très près par Bylis qui en fait autant en rafales et Baa-Bouk s’arrête net et est rejoint par son adversaire. Cette fois-ci, Dorgon doit faire vite et dès que le monstre charge sur lui, il lui saute sur les flancs en lui enfonçant ses serres dans la chair et se laissa glisser lentement jusqu’en bas en laissant une plaie assez profonde pour affaiblir son ennemi. Finalement, Baa-Bouk s’écroule lourdement sur le sol en soulevant un nuage de poussière; il est finalement vaincu.

Les trois autres vaisseaux se posent rapidement dans la vallée et Dorgon demande à ses compagnons de rassembler les Connients enfin libérés de la bête, celle-ci étant devenue trop affaiblie pour maintenir son emprise sur eux. Égarés, les pauvres géants ignorent ce qui vient de se passer mais acceptent docilement de prendre place dans les navires volants. De son côté, Dorgon utilise la puissante énergie dégagée par la spirale d’arc-en-ciel de son navire pour soulever le monstre dans les airs. Il est vraiment temps de quitter cette vallée lugubre car la noirceur reprend possession de son royaume. Au loin, le mutant voit la planète des Luminatisiens s’éteindre doucement et constate que l’éclat des bulles s’amenuise pendant qu’elles s’éloignent de la vallée. Dorgon a le goût de pleurer en réalisant que ses Maîtres initiateurs conservent si peu d’énergie car maintenant ils sont à peine visibles dans la nuit.

Bientôt, les vaisseaux flottent au-dessus du canton d’Atlantis et quand les habitants voient cette bête monstrueuse sous le navire de Dorgon, ils fuient de peur. Eux qui avaient, non seulement secondé Adiech lors de la construction de l’enclos de cristal mais ont même empilé des légumes dans un coin de celui-ci, ne s’attendait jamais à voir un animal d’une telle taille. En effet, l’enclos est à peine assez grand pour y introduire le monstre. Étrangement, ses plaies sont déjà guéries grâce au pouvoir du Cœur fantastique qui fait disparaître toutes les blessures et maladies des habitants de son royaume.

Soulagés, les géants sortent des navires qu’ils prennent pour des œufs volants et pressent le pas vers leur village. L’un d’eux cependant tient à satisfaire son envie de mâcher les feuilles sucrées d’un arbre à Pouf, nom amusant qui tire son origine du bruit que fait cette substance lorsqu’un géant la mâche avant de faire des bulles énormes qui éclatent ensuite en faisant un bruit respectable. Myotis l’observe avec intérêt en sortant sa langue et bave d’envie de dévorer ce pauvre primitif si l’occasion se présente pendant que le Connient se remplit la bouche de feuilles de Pouf. Mais lorsqu’il s’aperçoit que Polar le surprend à se lécher les babines, il fait mine de se laver le front et comme sa langue est très longue, il en profite même pour se laver une oreille mais Polar a deviné ses intentions et le garde à l’œil.

L’enclos de cristal est fort joli bien que son éclat fait terriblement souffrir le prisonnier. Myotis s’amuse à prendre sa défense en prétextant que bien que ce soit normal d’enfermer Baa-Bouk dans un endroit clair, il est cependant très cruel de le faire souffrir dans ce trou qui lui brûle les yeux. Le monstre dresse l’oreille lorsqu’il entend la voix de son défenseur car il lui est évident que Myotis cherche à attirer son attention dans le but d’obtenir son amitié. De son côté, Dorgon est du même avis que lui en ce qui concerne l’éclat du cristal qui rend le monstre aveugle. Le mutant à tête d’aigle sent qu’il est plus prudent de ne pas laisser le monstre mourir car Baa-Bouk possède une origine tellement mystérieuse qu’il est moins dangereux dans un enclos que mort. Pour cette raison, il décide qu’il faudra trouver un autre endroit où le prisonnier puisse retrouver beaucoup plus d’espace.

Pendant que Dorgon discute avec ses compagnons en demeurant sur la muraille de l’enclos, Baa-Bouk commence à s’agiter nerveusement comme s’il avait peur de quelque chose. En effet, un cortège de douze Croucounains se rapproche en marchant d’un petit pas bien décidé ayant à sa tête Phardate car ces petits bonshommes sont sortis de la forêt enchantée avec l’intention de punir le destructeur de leur peuple. Bientôt, ils traversent le mur de l’enclos sans l’abîmer, sautent sur le dos de la bête comme des puces et lui arrachent sans ménagement des touffes de poils ras sous le regard intrigué des mutants. Alerté, Polar tente d’intervenir en se rapprochant des envahisseurs lorsqu’il réalise que ces petits êtres vont faire un véritable carnage de poils mais Phardate pointe son poing devant son visage et le mutant se retrouve sur le dos vraiment secoué par ce coup invisible en pleine figure. Alors, Dorgon lève sa patte à son tour et tous les petits bonshommes chutent alors en dehors de leur monture. Rudement secoués, les Croucounains examinent le mutant descendre son arme patte qui les avertit de ne plus toucher à son prisonnier. Phardate secoue son couvre-chef perdu dans l’action car il est le seul à porter un bonnet pointu qui indique son titre de chef, et replace lentement celui-ci sur sa tête avant d’expliquer calmement à Dorgon la raison de cette colère envers Baa-Bouk. À la fin de l’explication, le chef des mutants souhaite vivement que ce Croucounain mente au sujet de ce génocide puisqu’il connaît l’histoire de l’arrivée du monstre sur cette planète et les Luminatisiens ne sont pas là pour expliquer eux-mêmes la raison qui valut tant de souffrances aux Djinardiens. Mais Dorgon tient à connaître l’histoire de ces petits bonshommes. Alors, Phardate s’installe confortablement sur le mur avec ses confrères et le mutant s’assoie sur le dos de la bête en la menaçant de lui arracher les oreilles si elle s’avise d’empêcher le nain de parler.

Phardate raconte l’histoire des géants primordiaux, celle des Djinardiens et surtout comment ceux-ci furent abominablement trahis par ce monstre qui récompensa leur chaleureux accueil en massacrant tout ce peuple de petits pacifiques. Le nain ajoute alors comment son petit groupe survécut grâce à l’existence de cette forêt enchantée invisible. Les récits sont assez surprenants et les mutants ne savent plus s’ils doivent le croire ou non car Phardate prétend que ce bois est habité par le jeune Maître du destin. Le plus incroyable, c’est lorsqu’il prétend avoir été changé en dragon de glace pour se battre contre des dinosaures. En ce point du récit, même ses confrères Croucounains semblent douter de cette affirmation puisqu’ils n’ont pas été témoins de ces combats. Encore plus difficile à croire, c’est lorsque Phardate prétend avoir rencontré un singe qui marche sur une planète miniature. Selon ce charmant conteur, son nom serait Primus Tasal, et il est le protecteur des Terriens. Dorgon et ses confrères ont de la difficulté à conserver leur sérieux lorsque ce Phardate parle de cette faille intemporelle située justement à l’endroit où se dressent à présent les trois boules gigantesques. Dorgon lui rétorque qu’il n’ira sûrement pas déplacer le trésor hérité des Luminatisiens pour aller vérifier ses affirmations car les sphères se trouvent au sommet d’un pignon sculpté à même le flanc de la montagne par la boule de feu mystérieuse. De plus, il est clair que l’ancienne crevasse empruntée par le Croucounain est désormais obstruée par toutes ces pierres qui tombèrent du sommet de la montagne au cours de la création du superbe pignon. Phardate ne peut prouver avoir vu le centre de la planète et encore moins, l’existence d’une faille intemporelle à cet endroit. Le seul qui pourrait se réjouir de savoir que personne n’aura plus, à partir de maintenant la possibilité d’utiliser ce passage pour se rendre sur Terre, est Primus Tasal. Il n’a pas encore découvert les deux autres couloirs mais cela ne tardera pas car il n’aura simplement qu’à suivre les odeurs laissées par Baa-Bouk lorsqu’il visita la Terre clandestinement pendant qu’il habitait la grotte de la vallée noire. À moins de révéler son secret à quelqu’un, il est évident que personne ne risque de découvrir cette deuxième faille intemporelle car cette vallée est l’ancien royaume du monstre. Pour cette raison, elle fait tellement peur qu’elle éloigne aussitôt tous les aventuriers qui voudraient la découvrir.

Les Croucounains retournent vers la forêt enchantée en promettant de venir s’établir bientôt dans le canton et emportent avec eux quelques touffes de poils de la mauvaise bête. Se sachant devenu le gardien de Baa-Bouk, Dorgon réalise qu’il ne pourra plus retourner sur sa planète. Alors, il demande à Polar de le remplacer comme souverain mais le mutant à tête d’ours refuse de l’abandonner sur Arkara. Il demande ensuite à son fidèle Bylis s’il désire s’en retourner sur leur planète puisque sa mission est accomplie ici; il lui offre même son titre de souverain en espérant le convaincre de partir mais Bylis prétend que son devoir est de demeurer à ses côtés. Le seul qui accepterait de retourner chez lui est évidemment le mutant à tête de bouc mais Dorgon sait que de fidèles amis sauront diriger sa planète s’ils n’ont pas Myotis en travers de leur chemin. Par conséquent, sa demande lui est refusée car il ne doit pas quitter Arkara. Lorsque Myotis demande avec défi pourquoi il devrait se soumettre à cette décision, Dorgon lui répond froidement qu’il est son souverain et qu’ils soient ou non sur leur planète n’y change rien. Cette déclaration est loin de plaire à ce mutant qui aimerait bien soulever les reptiles contre les nouveaux dirigeants de sa planète et rétablir ainsi, les pratiques ancestrales concernant le cannibalisme. Dorgon le sait et c’est pour cela qu’il compte sur Bylis et Polar pour le surveiller discrètement sur Arkara en espérant qu’il n’y dévore personne. En ce qui concerne Baa-Bouk, il faudra être encore plus vigilant car sa simple présence dans l’enclos suscite déjà beaucoup de frayeur chez les Paysans et les Connients.

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